Après 45 jours à vélo, je suis rentré à Paris pour une première pause de quatre jours, histoire de retrouver famille et amis le temps du week-end, de rattraper en partie le retard accumulé dans la synthèse des entretiens menés depuis le départ et de troquer mes pulls et mes gants contre un short et un maillot de bain. Seulement deux jours à vélo dans le sud-ouest mais tout de même cinq entretiens des plus intéressants.
Du Béarn au Pays basque puis une forêt de pins
Après avoir pris un petit train entre Tarbes et Orthez, je pédale le long du Gave de Pau puis de l’Adour, d’un bleu intense qui appelait à la baignade et sous un grand soleil. C’est le genre de journée facile, où il fait beau, vent de dos, indispensable pour garder le moral lorsque les conditions sont moins favorables. Je passe donc du Béarn au Pays basque, les deux régions qui forment le département des Pyrénées-Atlantiques, progressivement mais de façon assez marquée, les maisons béarnaises de galets laissant leur place aux maisons basques.
Après une journée sans rouler mardi, la faute à une mauvaise organisation (après mon entretien à Anglet, je devais être dans l’après-midi à Pau puis le soir à Mont-de-Marsan, avec des distances impossibles à parcourir en si peu de temps, ce qui m’a conduit à réaliser quatre trajets en TER), je me suis bien rattrapé mercredi avec une longue étape à travers la forêt landaise. Cela m’avait toujours intrigué que l’on nomme “Landes” ce département couvert en grande partie par la forêt artificielle la plus étendue d’Europe, sans avoir creusé la question : le territoire, autrefois dénudé et couvert de marécages (même si une partie de la forêt existait depuis des millénaires), a été mis en valeur au XIXème siècle par une monoculture de pins maritimes qui occupe aujourd’hui près d’un million d’hectares. Cela a contribué au développement économique des Landes, mais la filière bois est aujourd’hui grandement fragilisée, comme mes interlocuteurs à Mont-de-Marsan m’en ont fait part. Je passe un peu de temps à parler de cette forêt car pendant près de 110km, je l’ai traversée presque en ligne droite, et cela m’a fait forte impression d’être entouré de pins maritimes tout du long.
Une remise en question de l’échelon intercommunal ?
Lundi, j’ai pu discuter avec Michel Pélieu, président du conseil départemental des Hautes-Pyrénées, au sujet de l’autonomie des collectivités et des coopérations. Même si l’action locale est complémentaire de celle de l’État, ce dernier peut se montrer “trop contrôleur voire emmerdeur” sur certains projets d’aménagement alors même qu’il n’a plus les moyens à l’échelle du département. De même, il est faux de penser que l’échelle régionale permet de développer l’ensemble du territoire : il n’y a pas de ruissellement de la métropole toulousaine en Bigorre, il faut davantage de volonté politique locale pour aménager le territoire. Michel Pélieu travaille donc à la création d’une métropole transdépartementale et même transrégionale entre Tarbes, Lourdes et Pau. Le département est également moteur tant pour les coopérations en interne (le département a créé une agence départementale d’accompagnement des collectivités en 2012 à la suite de l’abandon de la mission d’accompagnement au niveau des préfectures) qu’en externe (le département a constitué un groupement européen de coopération territoriale avec les Pyrénées-Atlantiques et l’Aragon en Espagne sur les sujets de mobilité et de tourisme).
Mardi, j’ai abordé le thème des mobilités douces avec Anne Dumortier, adjointe au maire d’Anglet en charge de ce sujet extrêmement important au sein d’une zone urbanisée engorgée. La ville inclut désormais le vélo dans toutes les rénovations de voirie mais se heurte à des difficultés pour lier son réseaux aux communes voisines (Biarritz et Bayonne notamment), du fait de la trop grande complexité du fonctionnement de la communauté d’agglomération du Pays Basque, 158 communes, la plus grande de France. L’après-midi, j’ai rencontré à Pau le préfet des Pyrénées-Atlantiques, Eric Spitz, accompagné de quatre directeurs de services déconcentrés dans ce départements. L’occasion d’aborder la question du lien entre le politique et l’administration et des questions comme l’erreur d’avoir voulu réaliser un maillage d’intercommunalités complet au niveau national, là où elles n’ont pas de sens dans des territoires ruraux.
Mercredi, j’ai échangé rapidement avec Charles Dayot, maire de Mont-de-Marsan, puis rencontré son chef de cabinet, Titouan Bernard. Nous avons parlé des difficultés du territoire landais préexistantes à la crise de la Covid-19 (notamment la filière bois, souffrant de son manque de diversification) mais aussi des dysfonctionnements de l’agglomération de Mont-de-Marsan, nés d’une délégation très importante des compétences au niveau intercommunal (c’est l’agglomération qui s’occupe des écoles primaires, ce qui n’est pas fréquent) ouvrant la porte à des crispations de certains des 18 maires des communes formant l’agglomération.
Enfin, mon étape à Bordeaux de jeudi a été très intéressante. J’ai rencontré Jean-Noël Gout, vice-président de la chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine, qui a pour mission, sous la tutelle de la Cour des comptes à Paris, de contrôler les comptes des collectivités territoriales de la région et de juger les comptables publics. Selon lui, l’impact de la crise économique est faible sur les finances publiques locales, d’une part car on s’attend à un impact brutal pour 2021, d’autre part car c’est l’État qui s’est substitué aux collectivités et a grevé son budget. J’ai enfin rencontré Didier Jeanjean, adjoint au maire de Bordeaux en charge de la nature en ville, qui m’a présenté ses différents projets (végétalisation, mobilités alternatives) pour lutter contre la “désolidarisation du vivant” des habitants des villes.
Peu de vélo donc pour cette semaine écoulée, je me rattrape avec une longue remontée le long de la côte atlantique, de la Dordogne au Morbihan, dès ce lundi. Je suis motivé à fond pour les trois mois qui me restent, je me rends compte qu’il faut profiter de chaque instant car ce voyage passe à une allure folle. Je vous souhaite une excellente semaine, et vous dis à très bientôt !
Bosco