Du sillon lorrain à l'Alsace
Lettre d'information #16 - À portée de roue
Treizième semaine : 12-18 juillet
Encore une semaine plutôt agitée, marquée par les grosses intempéries dans le nord-est de la France (pensée pour Isabelle qui m’a hébergé à Dinant en Belgique et qui a été touchée par les inondations de la Meuse). Le long des canaux ou à travers les Vosges, sur le plateau lorrain ou dans les coteaux alsaciens, j’ai découvert une région magnifique, malgré la pluie qui m’a glacé jusqu’aux os presque tous les jours.
Le déluge
La semaine commence depuis Vesoul, au sud des Vosges. Les sommets arrondis et boisés sont ma porte d’entrée en région Grand Est, dans laquelle je pénètre pour la seconde fois après ce crochet par la Bourgogne et la Haute-Comté. Sous une pluie fine (qui me semble pénible sur le moment mais que je regretterai lors des pluies dantesques du reste de la semaine), je gravis le col du Peutet, bon entraînement en prévision des Alpes, avant de plonger vers Remiremont, ville industrielle marquant le début du sillon lorrain (ou sillon mosellan) le long de la Moselle. Je suivrai cet affluent du Rhin pendant deux jours. D’Epinal, je rejoins Nancy le mardi, accompagné pour les premiers kilomètres par mon hôte spinalien, avant que les premières gouttes ne se mettent à tomber. La route est un peu monotone et je ne croise aucun autre cycliste, j’en profite donc pour mettre de la musique cubaine à fond, la meilleure solution que j’ai trouvée pour faire venir le soleil au moins dans mes oreilles. A Nancy, je suis épaté par la place Stanislas, sans doute l’une des plus belles que j’ai pu voir depuis mon départ.
Mercredi 14 juillet, les nuages s’en donnent à cœur joie pour célébrer la fête nationale : c’est le déluge en Moselle, et je traverse un plateau lorrain recouvert de brouillard sous des seaux d’eau. Je suis trempé et glacé, mais il faut tenir ! Je suis accueilli chaleureusement à Betting, enfin un peu de sec. Dans cette région minière, mon hôte me conduit à la carrière de Freyming-Merlebach, où un belvédère permet d’épouser les alentours mystérieux sous un ciel menaçant.
Après la Lorraine, direction l’Alsace : je consacre la journée du jeudi à pédaler le long de la Sarre, qui déborde par endroits, et devance les averses orageuses d’une petite heure, avant de m’abriter pour la nuit à Sarrebourg. Le lendemain, je suis le canal de la Marne au Rhin qui perce la barrière des Vosges par la fabuleuse vallée des éclusiers, cernée d’écluses abandonnées au fond d’un sillon encaissé et verdoyant. Il pleut (pour la cinquième fois en cinq jours) mais je profite à fond. La vallée débouche à Saverne sur la plaine alsacienne. Quelques tours de pédale et me voici à Strasbourg, avec son centre-ville magnifique et sa riche gastronomie, que j’ai essayé de réunir en une photo :
Après une journée de repos, la pluie a enfin cessé de tomber et me voilà lancé à travers la mer verte que forment les côteaux du vignoble alsacien. A travers des petits villages de toute beauté (mes coups de cœur : Rosheim, Andlau et Eguisheim) et sous un soleil qui fait du bien, c’est une étape superbe et dépaysante.
Le récap’ des entretiens
J’ai d’abord été accueilli à l’Hôtel de Ville de Nancy par Estelle Mercier, adjointe au maire déléguée à la performance financière et budgétaire. Nous avons parlé de l’impact de la crise de la Covid-19 sur les finances publiques, impact d’autant plus fort que la ville présente la particularité d’avoir 25% de son budget consacré à la culture. Nous avons également abordé la question de la démocratie participative : la ville a créé une Assemblée citoyenne avec 100 Nancéens tirés au sort dans le but de rédiger une constitution municipale de la démocratie locale pour rationaliser les outils de participation.
Je me suis ensuite rendu à Toul où j’ai rencontré Dominique Potier, député de la 5ème circonscription de Meurthe-et-Moselle à Toul. Cet échange a tourné autour du lien entre un parlementaire et son territoire depuis la loi sur le non-cumul des mandats. Dominique Potier, en tant que président du Pays Terres de Lorraine, qui regroupe 4 communautés de communes du sud-ouest de la Meurthe et Moselle, plaide ainsi pour des conférences réunissant toutes les intercommunalités à l’échelle du département dans les territoires ruraux.
A Forbach, ville au riche passé industriel et minier frontalière de l’Allemagne (Sarrebruck est à un jet de pierre), le député Christophe Arend, de la 6ème circonscription de Moselle, m’a reçu dans sa permanence pour parler de la coopération franco-allemande et des problématiques spécifiques à ce territoire où “il n’y a pas de Français et d’Allemands, mais des résidents vivant de part et d’autre de la frontière” : la double-imposition de certains ménages ou la gestion des urgences médicales (la convention sanitaire transfrontalière Moselle-Saar a par exemple permis aux patients subissant une crise cardiaque d’être soignés à la clinique de Volklingen à 12km plutôt qu’à Metz à 60km).
Enfin, j’ai rencontré à Strasbourg Pierre Jakubowicz, conseiller municipal d’opposition et ancien conseiller de la présidente du conseil départemental du Haut-Rhin (à Colmar donc) lors de la signature des accords de Matignon ayant abouti à la création de la Collectivité européenne d’Alsace. Nous avons évoqué cette particularité de l’Alsace où les deux conseils départementaux ont fusionné, avec le transfert de nouvelles compétences comme le tourisme alsacien ou la formation transfrontalière. Nous avons aussi parlé du problème de la fusion des grandes régions en 2016, particulièrement visible dans le Grand Est où “chaque département regarde dans une direction opposée” (Reims vers Paris, Metz vers le Luxembourg, la Haute-Marne vers Dijon, l’Alsace vers l’Allemagne et la Suisse…) ainsi que de l’identité alsacienne liée à la géographie, les Vosges formant une véritable barrière naturelle entre la plaine d’Alsace et le reste du Grand Est.
Sous ce grand soleil, je suis motivé plus que jamais alors que le projet À portée de roue entre déjà dans son dernier tiers… Les prochaines étapes, de Colmar à Chambéry, me permettront de filer droit vers le sud sans négliger les grands massifs (Vosges, Jura puis Alpes). À la semaine prochaine (avec je l’espère un peu moins de retard dans l’envoie de la lettre d’information),
Bosco