Au terme d’une semaine 100% bretonne, je me suis régalé sur tous les plans : belles sensations à vélo (jusqu’au jeudi), entretiens très riches, côtes et paysages sublimes, nourriture alléchante (le triptyque crêpes - far breton - kouign-amman au menu presque tous les jours), rencontres inspirantes… Et comme souvent, l’impression de passer un peu vite, mais comme ailleurs, il faudra que je revienne !
Une semaine éreintante et magnifique
Dimanche 14 juin, 18h : sous un soleil de plomb, j’arrive à Saint-Louis avec une folle impression de vacances, Magellan bronze tranquillement sur une plage de sable fin, juste récompense après une belle étape le long du littoral. Il faut bien noter qu’en Bretagne, on ne peut pas “longer” la mer puisque le littoral extrêmement découpé avec de nombreux mor-bihan, nom breton désignant les petits golfes, impose des détours de dizaines de kilomètres si l’on veut suivre au plus près le trait de côte. Autre curiosité : le nom Morbihan donné au département est l’un des deux seuls en France, avec le Vaucluse, à avoir un nom issu d’une langue régionale.
Lundi, je roule avec beaucoup d’énergie de Lorient à Quimper, motivé par cet air marin bien rafraichissant malgré la canicule et une belle halte à Pont-Aven, la cité des peintres (conseil de lecture qui m’a fait connaître cette ville grâce aux séjours de Paul Gauguin : Le Paradis - un peu plus loin de Mario Vargas Llosa). Je commence toutefois à comprendre que les côtes bretonnes ne sont pas toutes plates et exigeantes sur le plan physique. Mardi, je quitte Quimper pour Brest à travers la presqu’île de Crozon et le PNR d’Armorique, en passant par de multiples communes endimanchées de décorations célébrant le vélo à dix jours du Grand départ du Tour de France, dont les quatre premières étapes auront lieu en Bretagne (une pour promouvoir chaque département). Ça picote déjà dans les cuisses, avec un dénivelé positif de l’ordre de mes étapes auvergnates.
Mercredi, une longue étape me fait quitter le Léon pour le Trégor : l’enchaînement de montées et de descentes jusqu’à Morlaix n’est pas qu’une partie de plaisir, mais je suis récompensé par des paysages magnifiques le long des côtes de la Manche, de Locquirec ou Lannion. Ces côtes, je les suis toute la journée du jeudi, avec un passage sublime sur la route des falaises jusqu’à Saint-Brieuc, chef-lieu des Côtes-d’Armor, en compagnie (sur 70km) d’un autre voyageur à vélo rencontré inopinément sur les quais de Paimpol. Je suis soulagé de pouvoir partager avec quelqu’un d’autre à la fois la beauté des paysages et la souffrance au milieu de chaque mur auquel nous nous attaquons.
Vendredi, sous la pluie, je décide de prendre le train de Saint-Brieuc à Rennes et donc de m’accorder un jour de pause supplémentaire pour recharger les batteries. Cela me laisse le temps de visiter Rennes, avant de reprendre la route dimanche en direction de la Normandie. C’est presque avec émotion que je savoure un dernier kouign-amman face au majestueux Mont Saint-Michel.
Les spécificités de la Bretagne
Les cinq entretiens menés cette semaine m’ont bien permis de me rendre compte d’une forte cohérence entre les quatre départements de la Bretagne administrative sur le plan économique, avec un réseau dense de villes moyennes que je n’avais pas observé jusque là dans d’autres régions, la présence d’une importante industrie agro-alimentaire et d’un tourisme moins “de masse” que sur d’autres littoraux expliquant une bonne résilience face aux effets de la crise.
A Port-Louis, j’ai été accueilli par Jimmy Pahun, député MoDem de la 2ème circonscription du Morbihan, autour d’un dîner chaleureux. Nous avons longuement parlé de la rupture du lien de confiance entre les collectivités territoriales et l’État, mais aussi plus largement entre les citoyens et la sphère politique (le taux d’abstention historique en ce jour d’élection montrant bien cela). En plus des missions fixées par la Constitution, le député se doit de travailler à la coopération des différents acteurs publics dans sa circonscription.
A Quimper, j’ai échangé avec le sénateur du Finistère Michel Canevet sur le rebond économique et social en Bretagne, que ce soit du côté privé (l’étude “Reloc’h” de Produit en Bretagne a permis de répertorier les activités relocalisables qui représentent 130 000 emplois) ou institutionnel avec la question de l’”Assemblée de Bretagne” (fusion du conseil régional et des quatre conseils départementaux) qui serait un moyen d’activer une action économique plus forte. Nous avons également parlé d’un effet peu mis en avant de la loi sur le non-cumul des mandats : la prolifération des textes de loi, puisque les parlementaires s’y consacrent davantage en l’absence de mandat local.
Jeudi, j’ai rencontré Hervé Guihard, maire de Saint-Brieuc, qui a fait état d’une relation historiquement de confiance entre son département et l’État (à l’image de ce que l’on m’a dit dans les trois autres départements de Bretagne) et de l’importance de la concertation et de la recherche du consensus pour mener une action publique locale efficace (recherche d’un équilibre en laissant la présidence de la communauté d’agglomération à un maire d’une plus petite commune, rédaction d’une Charte de la démocratie participative pour mettre en place des outils comme le budget participatif tout en donnant un cadre pour éviter les guerres de postures).
À Rennes, je me suis entretenu avec Laurence Maillard-Méhaignerie, députée de la 2ème circonscription d’Ille-et-Vilaine et présidente de la commission du Développement durable et de l’Aménagement du territoire à l’Assemblée nationale, au sujet des problèmes liés à l’écoulement du Plan de relance et plus largement des lourdeurs administratives pouvant parfois ralentir les volontés politiques. Nous avons parlé du besoin d’un débat au niveau national sur le mode d’organisation territoriale alors que le projet de réforme territoriale mis à l’agenda du Parlement pour l’automne prochain s’annonce peu ambitieux.
Enfin, à Rennes toujours, Marc Hervé, premier adjoint à la maire et également élu métropolitain et départemental, m’a parlé de la difficulté d’être un élu (“la politique, c’est être à portée de claques”) à l’aune de la défiance croissante des citoyens envers la politique, et de la dégradation des relations avec l’État liée à la quasi-absence d’autonomie fiscale des collectivités (à ne pas confondre avec l’autonomie financière garantie par la Constitution).
La semaine prochaine, je vais dépasser la moitié de mon voyage. Déjà. J’en parle avec tous les voyageurs à vélo que je croise, il faut profiter de chaque instant car le temps file et j’aperçois déjà la ligne d’arrivée sur les Champs-Elysées le 2 septembre prochain.
Par ailleurs, mon projet a fait l’objet cette semaine de deux petits articles après ma rencontre avec Jimmy Pahun dans le Morbihan, à retrouver ici (Ouest France) et là (Le Télégramme). À portée de roue bientôt en Une de la presse nationale !
Après une semaine 100% bretonne commence une semaine 100% normande, merci d’avoir lu cette lettre d’information et à très vite !
Bosco