Quinzième semaine : 26 juillet - 1er août
Des paysages somptueux, de belles découvertes, beaucoup de dénivelé : la semaine qui vient de s’écouler restera probablement comme l’une des plus mémorables de ce tour de France. J’ai le sentiment d’avoir tout donné physiquement pour tenir la distance, sans jour de pause, entre Annecy et Nice, de la Savoie à la Provence, en passant par six massifs alpins et une dizaine de cols. Petit retour sur cette semaine incroyable depuis le bateau qui tangue un peu et me mènera jusqu’en Corse !
De la Savoie à la Provence : six jours de dingue
Lundi matin, je me réveille face aux montagnes à Chambéry, concentré et « le couteau entre les dents ». Grenoble n’est pas loin, à peine 65 kilomètres, mais pour l’atteindre, j’ai le choix entre suivre la plaine de l’Isère ou passer en plein dans le massif de la Chartreuse. Je choisis la seconde option, motivé par le souvenir de ma grand-mère qui empruntait dans sa jeunesse ces routes du côté de Voiron. Granier, Cucheron et Porte : le fameux triptyque de la Chartreuse s’offre à moi, trois cols gravis lentement, mais sans jamais m’arrêter dans les montées.
Les sommets se perdent dans la brume, la route serpente dans des fonds de vallée époustouflants, et après le dernier col, je surplombe Grenoble. Une sieste dans le parc Paul Mistral et un rendez-vous plus tard, il me reste une douzaine de kilomètres à parcourir pour monter à Jarrie, au pied du Vercors, dans la lumière orangée du soleil couchant.
Mardi, je dois rejoindre Gap mais la route Napoléon venant de Grenoble me paraît trop fréquentée : je m’avance donc en train jusqu’à Clelles, traverse le Trièves, franchis le col de Saint-Sébastien marquant l’entrée dans le massif du Dévoluy. Après quelques dizaines de kilomètres de plat (j’aurais qualifié ce parcours de « vallonné » si ce n’étaient pas les Alpes), la montée vers le col du Festre débute lentement, et s’achève à 1441 mètres d’altitude, sommet de mon aventure.
Mercredi, une longue étape est au programme : je pars de Gap, grimpe en guise d’échauffement le col de la Sentinelle avant de descendre jusqu’au lac de Serre-Ponçon. De là commencent vingt-quatre kilomètres de montée dans les gorges de la Blanche (qui porte mal son nom), dans une atmosphère de bout du monde amplifiée par le temps très nuageux et la roche très sombre de ce massif de la Haute-Provence. Peu avant le sommet, je profite d’une longue halte avec mes parents dans le chalet de Seyne-les-Alpes, où j’ai souvent passé des vacances.
Puis vient la montée abrupte jusqu’au col du Fanget, à 1459 mètres d’altitude (un nouveau record donc). Il est 16h, mais j’ai encore près de 85 kilomètres à parcourir en redescente à travers la Haute-Provence, les impressionnantes clues de Barles, Digne-les-Bains, et la vallée de la Durance : ça sent la lavande (en pleine période de découpe), le pin, l’olive…
Ma semaine chargée se poursuit le jeudi à travers le plateau de Valensole (bonne grimpette pour y monter), le parc naturel régional du Verdon (magnifiques routes dans la pinède et découverte de l’impressionnant lac de Sainte-Croix) dans des paysages familiers.
J’atteints Les Arcs, d’où je repars le lendemain pour rejoindre la Côte d’Azur. Entre les deux, je dois gravir le massif de l’Estérel, très sauvage et couvert d’une forêt dense au point qu’on se croirait coupé de tout (alors que la côte et l’arrière-pays de Grasse sont à quelques coups de pédale), puis le massif de Tanneron qui domine cette belle côte provençale. Je fais halte à Cannes, et sa croisette mythique. Samedi matin, je n’ai plus qu’une quarantaine à parcourir très lentement en profitant du bord de mer entre Cannes et Nice, le long de belles plages pas encore trop fréquentées, avant de profiter de cette magnifique ville pendant le week-end.
Le récap’ des entretiens :
J’ai rencontré à Grenoble Chloé Pantel, maire-adjointe du Secteur 6. Constitués depuis la réélection de l’équipe municipale en juillet 2020, les six secteurs de la ville permettent de renforcer la présence des élus de la ville dans les différents quartiers et de porter davantage de projets de démocratie participative. Grenoble a ainsi mis en place un recours systématique aux ateliers citoyens (sur tirage au sort parmi les listes téléphoniques) pour les projets importants de rénovation urbaine ou de mise en place des protocoles sanitaires.
À Gap, j’ai pu m’entretenir avec Anaïs Juanena, conseillère au sein du cabinet du président du conseil départemental des Hautes-Alpes. Encore une fois, la perte de la compétence économique dans ce département rural depuis 2015 est problématique. Certains territoires comme le Briançonnais dépendent complètement du tourisme (la fermeture des remontées mécaniques a eu un effet bien plus important qu’en Savoie par exemple où l’économie est davantage diversifiée), et le département doit passer par son agence de développement (en lien avec Rising Sud, l’agence de développement de la région PACA) pour ses dispositifs de subventions aux associations.
Je me suis ensuite rendu à Puimoisson, commune de 700 habitants située sur le plateau de Valensole au milieu des champs de lavande dans les Alpes de Haute-Provence, et ai été accueilli par le maire Fabien Bonino, également collaborateur parlementaire de la députée Delphine Bagarry. Celui-ci m’a décrit l’attachement fort du département à la République et à l’État (« pas comme à Marseille où du temps de Louis XIV, les canons étaient dirigés non pas vers la mer mais vers le port ») hérité de la résistance en 1851 du bastion des Mées face au coup d’État de Napoléon III. Il en résulte une entente constructive qui dépasse les clivages politiques entre les acteurs publics.
Enfin, j’ai échangé à Nice avec Magali Altounian, adjointe au maire de Nice déléguée aux institutions européennes et au rayonnement de la ville et également conseillère régionale, ainsi que Camille Angué, directrice générale adjointe des services de la Métropole Nice Côte d’Azur. Cette métropole présente la particularité d’être très étendue (1500 km² soit près d’un tiers de la surface des Alpes-Maritimes) vers des territoires très ruraux du massif du Mercantour, et inclut Nice comme des communes de 150 habitants. Autre particularité : le fonctionnement en régie de la Métropole qui a internalisé les services s’occupant de l’eau, des routes, des cantines, sans multiplier comme ailleurs les syndicats thématiques. Mes interlocutrices ont également insisté sur la difficulté de recruter des « leveurs de fonds européens » et la méconnaissance par les collectivités des nombreux moyens accordés par les dispositifs de l’Union européenne au service des territoires.
Je vous l’écrivais un peu plus haut, me voilà à bord du ferry qui fend les flots en direction de Bastia pour une découverte de l’Île de Beauté (par la côte ou par l’intérieur, je n’ai pas encore décidé) de trois petits jours jusqu’à Ajaccio. Une semaine raccourcie mais qui s’annonce tout de même difficile ! Je me permets par ailleurs de vous partager un petit article paru dans l’Est Républicain à la suite de mon passage à Besançon la semaine dernière.
Très belle semaine à toutes et à tous, et à très vite !
Bosco